C'est l'histoire d'une espionne. D'un agent du Mossad. Née en France, citoyenne de ce pays, elle fait son aliya, sa « montée » en Israël, poussée par un vague mélange de patriotisme et de bonne volonté. Diplomée en informatique à l'époque où les services de renseignements du monde entier en comprennent l'importance pour mettre en fiche leurs adversaires… et pour s'introduire dans leurs fichiers. (C'est l'époque de l'odyssée du logiciel américain truqué PROMIS…) Elle insiste pour faire son service militaire en Israël. C'est à ce moment qu'elle est incorporée de force dans le Mossad: trompée par un officier recruteur. Son supérieur hiérarchique lui ordonne de commettre un acte illégal, puis on lui donne le choix : le Mossad ou dix ans de prison. Elle choisit le Mossad, c'est-à-dire la principale agence de renseignement et d'action clandestine au service de l'Etat israélien. Elle raconte son entraînement, au combat, à la résistance à la torture. On achève de la roder en l'expédiant à la frontière nord, au sud-Liban, où elle participe à des patrouilles, des combats. Puis on lui donne une identité de Palestinienne aisée réfugiée en Europe revenue au Liban pour participer au combat contre « l'entitée sioniste ». Elle s'intègre à un groupe palestinien extrémiste. Camp d'entrainement en Libye : premier meurtre, sur ordre. Puis elle reçoit pour mission d'introduire dans le matériel informatique des petits programmes espions qui permettront au Mossad, via Internet, de lire dans les bases de données de la police syrienne. Comment approcher les ordinateurs des forces de répression syriennes ? Se faire arrêter comme suspecte anonyme de base, se faire tabasser comme telle, puis, avant de s'évader ou d'être libérée, infecter le premier ordinateur venu avec le contenu de la petite disquette qu'elle dissimule dans ses vêtements. Succès total, mais exténuant : les flics syriens cognent dur et longtemps. Séquelles. Retour en Israël via l'Europe pour se réparer. Puis retour au Liban et en Syrie via l'Europe. Ainsi va la vie d'une espionne, d'évasion en meurtre de soldat, d'infection informatique en rafles, de recherche de « contacts » locaux en séances de tortures… Jusqu'au moment où elle n'en peut plus. C'est alors qu'elle découvre une particularité du Mossad : on travail sur le terrain jusqu'au moment où l'ennemi vous démasque et vous fait disparaître, ou on cherche à démissionner. Dans ce dernier cas, pas de pitié : l'asile psychiatrique, la prison (17 ans…) ou la fuite désespérée à travers le monde. « Marche ou crève ». Cet ouvrage est aussi le chemin d'une fille pleine de bonne volonté mais naïve qui reconstruit lentement sa personnalité au travers des conditionnements qu'on lui fait subir, des menaces de ses supérieurs, des coups des policiers syriens, de la propagande nationaliste israélienne, des préjugés anti-arabes qui l'imprègnent au départ.
On a douté de la véracité de ce récit. On a bien fait de se poser la question. Dans le monde du renseignement, tout le monde cherche à manipuler tout le monde : ils sont payés pour cela…
Je crois qu'on peut le considérer comme véridique. Ce n'est pas une manipulation du Mossad : l'image de cette organisation ressort de cette lecture souillée, inhumaine. Ce n'est pas une manipulation palestinienne : l'image du monde politique et militaire arabe est effrayante de brutalité imbécile. Ce n'est pas un roman : pas assez de rebondissements à la 007. On a douté de la capacité de combat rapproché de notre espionne : en fait elle ne s'attaque à mains nues qu'à des sentinelles assoupies, des informaticiens préoccupés, des gardiens de prison isolés et trop sûrs d'eux. Et, en général, dans des casernes de province, en dehors des heures de travail.... Il n'y a pas de bases de données informatiques suffisantes en Syrie à l'époque où elle opère : on ne recoupe pas toutes les informations qu'on pourrait avoir sur elle, son anonymat est largement préservé.
Bref, un livre qui se lit comme un roman, d'une traite, et qui fait espérer à la paix comme au printemps après un long hiver.
M. X.Villan
|