Quelques éléments intéressants:
"Si la Turquie est un pays magnifique, fascinant même, et
dont la population est réputée internationalement pour son sens
de l'accueil et sa générosité, il convient tout de même de ne pas
mélanger les impressions touristiques, la légitime compassion
envers les minorités brimées ou les contacts humains chaleu-
reux, avec l'analyse des intérêts géopolitiques, quant à elle nécessairement plus froide et dépassionnée."
Page 25
"Comme l'a montré un rapport de l'association "Droits de
l'homme sans frontières", il est de plus en plus difficile d'être
chrétien en Turquie. Les chrétiens représentaient, toutes Églises
confondues, 30 % de la population {soit 4 millions de per-
sonnes) en 1880. Ils sont aujourd'hui à peine 120000, soit
0,2 %. À titre de comparaison, il reste aujourd'hui moins de
chrétiens en Turquie qu'en Iran..." Page 55
"M. Aydin [le ministre des Affaires religieuses] avait mis en garde
les chrétiens de Turquie après avoir déploré l'existence de
368 cas de conversion de Turcs au christianisme... Rapporté à
une population de soixante-douze mIllions de personnes, ce
pourcentage avoisinant 0,0005 % ,lui paraissait « préoccu-
ant »..
Page 59
1942: dépouillement des non-musulmans par l'Etat.
"Pour mettre en place cette taxation exorbitante
destinée à dépouiller les giaours de leurs fortunes,
une liste des contribuables fut dressée. Devant les noms chré-
tiens ou juifs figurait la mention « G »' qui se référait à gayri-
muslim ou non-musulman, catégorie la plus taxée. Venait
ensuite celle des juifs convertis à l'islam, les dönme, (mention
"D"), moins taxée que les non-musulmans mais plus que les
musulmans." Page 51
Génocide de 1915
« La Turquie n'a franchi aucun pas vers un véri
table dialogue: elle reste bien un État ultra nationallste et
négationniste », a est~mé Hilda Tchoboian, présldente .de la
Fédération euro-armémenne qui a fait appel a la Commlss!on et
au Conseil européens d'inscrire explicitement dans la feuille de
route des négociations les résolutions du Parlement européen, et
en particulier celle du 15 décembre 2004, exigeant de la Turquie
la reconnaissance du génocide." Page 87
Invasion de Chypre par l'armée turque en 1975.
"...: elles se soldèrent par 4500 morts, majoritairement grecs,
1619 disparus, 170000 Grecs expulsés vers le Sud et leurs biens confisquée, puis 40000 Chypriotes turcs du Sud sommés de gagner le Nord par les forces d'occupation turques,
au terme d'une des premières purifications etnniques en europe après 1945." On ajoutera à cela l'émigration vers l'angleterre de 100 000 Chypriotes grecs et turcs.
Page 122
Chypre
« Le problème de base, démographique, c'est que les
colons anatoliens sont aujourd'hui au moins 110 000, plus
que nous-mêmes, les vrais Chypriotes turcs ! s'indigne Izzet Izcan,..."
Page 130
Petit antisémitisme populaire de base...
"La liste des
best-sellers en Turquie incluait, au cours de l'année 2005, "Mein
Kampf" d'Adolf Hitler, publié au moins quarante-cinq fois en
Turquie entre 1940 et 2005, et édité aujourd'hui par onze édi-
teurs au moins, Le "Testament politique d'Hitler", le célèbre
pseudo-document judéophobe, "Les Protocoles des Sages de Sion", publié, dans son intégralité ou en partie, plus de cent fois entre 1943 et 2004, puis des dizaines d'autres ouvrages antisémites analysés plus loin."
Page 151
Le kémalisme soluble dans l'UE?
"En invoquant positivement la specificlté kemaliste-laïque
garantie par armée tout en appelant de leurs voeux une démocratisation du pays passant par un démantellement du même édifice militaro-kémaliste qui assure cette spécificité, les
partisans inconditionnels de la Turquie dans Europe non seulement se contre disent mais ne rendent pas forcement service à la "Turquie kémaliste" continuellement invoquée." Page 188
"le nombre des écoles religieuses (imams hatips) passe de 374 en 1980 à environ 700 à la fin des années 1980. Parallèlement, les établissements scolaires de meilleure qualité car financés par de riches fondations religieuses, connaissent un succès croissant. Dès 1983, 200000 élèves prenaient des cours particuliers de Coran..." Page 183
"Comment d'ailleurs peut-on soutenir qu'un pays dont 70% des
femmes sont voilées, dont l' Etat entretient des milliers de mos-
quées, écarte de la haute fonction publique et militaire les non-
musulmans, ou les partis Islamistes enregistrent regulièrement
des victoires électorales depuis le début des années 1990 (les
grandes municipalités sont presque toutes dirigées par les isla-
mistes depuis 1995), est encore un pays « laique » ? Page 176-7
Dissolution du kémalisme dans l'UE.
"Les partisans de la candidature turque doivent surtout garder
present à l'esprIt le fait que la Turquie « kemaliste et laique »
dont ils se réclament, et qui est aujourd'hui, réduite aux cercles
élitaires du derim devlet, de l'armée et des kémalistes électorale-
ment minoritaires, finira de disparaître avec son intégration
dans l'Union et le démentèlement corrélatif des pouvoirs poli-
ques de l'armée turque exigé par les « critères de Copenhague ».
Page 191
"Vu du derin devlet, ["Etat profond"] incarné désormais surtout par le Yash, l'ar-
mée, le parti kémaliste puis l'Anavatan Partisi et le MGK, l'inté-
gration de la Turquie dans l'Europe ne présente pas que des
avantages mais également de réels risques de désintégration,
certes pour l'heure neutralisés par la vigilance discrète des mili-
taires, mais un danger potentiel à terme." Page 195
Méfiance des militaires envers les cosmopolites et les cléricaux...
"C'est dans ce contexte que le commandant en chef de l'armée
turque a ordonné, au début de mars 2004, une enquête visant à
recueillir des informations sur tout un éventail de « groupes
civils subversifs », qui Inclut à la fois les « proeuropéens", les
« membres du Ku Klux Klan », les « francs-maçons », les pro
américains », les « adeptes des confréries (religieuses)", les
« satanistes » et les « membres de la haute société ».
Page 196
Club chrétien?
En fin de compte, ce mauvais procès renverse les rôles, car c'est
à la Turquie de prouver qu'elle n'est pas un « club musulman »
et qu elle est pluraliste: or, il y a plus de Turcs musulmans
en Alsace que de chrétiens dans toute la Turquie (100000), pays
« purifié » musulman à 99 % depuis le génocide de 1,5 million
de chrétiens arméniens et assyro-chaldéens (1916) puis l'expul-
sion de deux millions de Grecs entre 1920 et 1923, forfaits qui
n'ont jamais fait l'ob!et d'un travail de mémoire, la négation du
genocide est enselgnée dans les écoles. Page 204
La Turquie ou la Russie dans l'Union Européenne?
Pour s'en convaincre, il suffit de se poser la question de
savoir si un seul écrivain, un seul musicien, un seul grand poète
turc est aussi connu en Europe et aussi approprié comme euro-
péen que Dostoïevski, Tchaïkovski ou Tolstoï ? Une seule ville
de Turquie aussi baroque et italo-autrichienne que Saint-Pé~
bourg ? Une seule ville de l'Asie anatolienne aussi européenne
que Krasnoïarsk en Sibérie ? Toute terre marquée par les deux
matrices chères à Levinas et à Valéry est, de façon évidente,
europeenne ou, en tout cas, plus européenne que la Turquie, ce
qui inclut, en raisonnant par l'absurde, des États-nations n'ayant
pas vocation à intégrer l'UE mais qui appartiennent incontes-
blement à la civilisation européenne: le Canada, l'Argentine, le
Mexique, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, etc
Page 208
La Turquie mère de la civilisation de l'Occident?
"Grossier anachronisme qui omet de préci-
que la Turquie actuelle n'a pas héritée des deux grandes
matrices de la civilisation européenne et Occidentale qu'a abrita
certes son territoire mais bien longtemps avant l'arivée des pre-
miers Turcs originaires d'Asie -l'apport judéo-chrétien puis
l'Antiquité gréco-latine à qui l'on doit le droit romain et la philosophie
grecque -, mais qu'elles les a totalement éradiquée.
Elle n'a pas non plus connu les grandes évolutions comme la
Renaissance, la Réforme, la Contre-Réforme ou encore les
grandes révolutions rationalistes, industrielles et politiques."
Page 211
Islamisme et terrorisme.
"Fort curieusement, plus la Turquie se réislamise sociologique-
ment et politiquement, plus elle se « dekemallise », plus elle est
menacée de l'intérieur par l' Islamo-terrorisme (frontière kurde .
poreuse avec l'irak du jihad), plus les responsables européens
et US déclarent que le pays gouverné par l'AKP est
un allié unique au sein du monde musulman face au terrorisme
Islamiste."
Page 224
Erdogan, chef du parti AKP au pouvoir, et l'islamisme afghan.
"On se rappelle en effet le scandale
médiatique (étonnamment passé sous silence en Europe)
qui secoua la Turquie lorsqu'une photo publIée dans le Journal turc
People Star du 10 juillet 2003, montre Erdogan agenouiIlé
devant Hekmatyar [le chef de milice islamiste afghan]. Dans son commentaire,
le Journaliste Fatih Cekirge attirait l'attention .des lecteurs sur le fait que la photo
avait été prise dans le quartier de Fatih, à Istanbul meme, et que
Hekmatyar avait été reçu avec les honneurs comme « refugié
.politique » alors qu'il est recherché depuis septembre 2001
comme l'un des protagonistes les plus dangereux du jihad
islamo-terroriste."
Page 227
"Car la "Zône des tempêtes" correspond exactement à la sphère d'lnfluence géopolitique de la Turquie, ..."
[Par "Zône des tempêtes, les auteurs entendent le Proche-Orient, le Caucase et l'Asie centrale.]
[Ces mêmes auteurs rapellent que la Turquie est entourée de pays avec lesquels ses relations sont mauvaises ou aléatoires, ce depuis des centaines d'années parfois :
Russie (guerres de 1854, 1877, 1914, guerre froide) , Grèce (guerres de 1913, 1920), Chypre (invasion turque de 1975), Arménie (génocide de 1915, Karabagh), Serbie (guerres de 1913 et 1914, Kosovo), Roumanie (guerre de 1877), Bulgarie (guerres de 1877 et 1913), Syrie (problème du Sandjak, eau de l'Euphrate, PKK), Iran (rivalité multiséculaire), Irak (eau de l'Euphrate et du Tigre).
"En s'élargissant à la Turquie, l'UE devrait renoncer à sa doc-
trine pacifiste et se préparer à faire .la guerre, car elle cesserait
probablement d'être la zone de paix et de confort qu'elle..."
Pages 234-5
Colonisation anatolienne dans la partie turque de Chypre.
"4. L'Assemblée [européenne] s'inquiète, en particulier, du flux d'émigration
continu de la population chypriote turque autochtone de la partie
septentrionale de l'île. Leur nombre est tombé de 118 000 en 1974 à 87 600 en 2001, selon les estimations. En conséquence, les colons sont plus nombreux que les Chypriotes turcs autochtones dans la partie septentrionale.
5. Au vu des informations disponibles, l'Assemblée ne peut
admettre les arguments selon lesquels la majorité des ressortissants turcs arrivant sur le territoire sont des travailleurs saisonniers ou d anciens habitants ayant quitté l'île avant 1974." Page 287
GLOSSAIRE:
Alévis : Communauté représentant entre 20 % et 25 % de la population turque (14 à 18 millions d'individus) remontant au peuplement turc en Anatolie (XIe siècle). À cette époque, les nomades turkmènes pratiquent une religion panthéiste, mystique, syncrétique où se mêlent des éléments de bouddhisme, de chamanisme et d'islam. À cet alévisme
des origines s'ajoutent, à la fin du xye siècle, des emprunts à la doctrine chiite hétérodoxe de Chah Ismaïl. Ses croyants y gagnent le nom d'Alévi «celui qui vénère Ali » -le gendre du Prophète) et un sobriquet, kizilba «tête rouge », en référence au turban écarlate à douze plis qui orne le chef des fidèles d'Ismaïl) .Longtemps persécutés, ils sont soupçonnés par les islamistes d'être des cryptochrétiens, ou des « polytéistes ». Ils associent, dans une sorte de trinité, Allah, Mahomet et Ali,
présentée comme une incarnation de Dieu, péché suprême. Le Coran est considéré comme simple oeuvre humaine. Les Alévis croient en la métempsycose, l'interprétation des rêves, le culte des saints et la supériorité de la raison sur la charia, ce qui en fait les plus fidèles soutiens de la laïcité et du kémalisme. Un dicton sunnite dit qu'il « y a plus de mérite à tuer un Alévi que soixante-douze giaours [infidèles]» ... Page 263
La même question depuis le Comité "Union et progrès" en 1912: Touran ou Europe?
"Mais l' événement le plus
caractéristique du « redéploiement » en Eurasie fut Ie sommet
d'Istanbul du 19 octobre 1994, annonçant la naissance du
groupe « T6 » (T pour Turc, et 6 pour les 6 États turcophones,
ou « Türk 6 ») : Turquie, Azerbaïdjan, Kazakhstan Kirghizistan,
Ouzbékistan et Turkménistan), dont les visées étaient de créer
un ensemble turcophone solidaire sur les plans culturel, poli-
tique et économique (tracés d'oléoducs) et même touristique."
Pages 222-3
Etat turc et lutte contre le terrorisme islamiste:
"À l'instar de nombreux pays victimes d'attentats islamistes, la Turquie (et surtout l'armée), alliée d'Israël et des États-Unis, peut apparaître à certains égards comme un partenaire essentiel dans la lutte contre Al-Qaïda, ainsi que l'a reconnu le juge antiterroriste..."
Pages 222-3
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