Cet ouvrage commence par une série de mises au point sur les attentats du 11 septembre 2001: entre autres que Ben Laden a peu à voir avec les Palestiniens et leur cause "...instrument politique jetable..." (pages 47-54), que les terroristes d'Al-Qaïda n'ont pas grand-chose en commun avec les kamikazes japonais de 1944-45 (pages 28-29), que les Occidentaux ont tort de céder aux atavismes de leur éducation laïque et de regarder Ben Laden comme un nouveau Trotsky enturbanné pourfendeur du capitalisme... (pages 55-62).
La deuxième partie de l'ouvrage de Frédéric Encel est une exposition des soubassements et des conséquences stratégiques des attentats du 11 septembre 2001. L'auteur commence par se demander si l'alliance établie entre les USA et les forces islamiques réactionnaires fut vraiment une erreur stratégique; il en arrive à la conclusion que non (pages 85-89). La seule erreur commise aurait été, selon lui, de ne point isoler Ben Laden de ses soutients financiers à partir du moment où cet homme se révéla hostile aux USA... (On voit par les difficultés que rencontrent ceux qui le combattent aujourd'hui le caractère impraticable d'une telle mesure de sécurité. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. En viendra-t-on un jour à mettre le feu à la botte saoudienne toute entière...?)
Encel signale à la page 103 que Ben Laden, au lieu de faire couler un sang quasi innocent en telle abondance, aurait pu se contenter de frapper une cible symbolique, telle que la Statue de la Liberté... Il aurait ainsi ridiculisé son adversaire tout en lui ôtant les moyens politiques de son actuel expansionnisme militaire. Car le blanc-seing donné par la majorité des gouvernements de cette planète au déploiement américain dans la région du golfe Persique et en Asie Centrale constitue bien le présent très concret de Ben Laden au monde musulman (page 122)...
La troisième partie de l'ouvrage traite de la nouvelle confrontation de la démocratie occidentale avec ce que Encel nomme justement le "troisième totalitarisme". Il fait d'abord utilement remarquer que les propos médiatisés de Ben Laden relèvent pénalement, en droit français, de "l'apologie de crime contre l'humanité; incitation aux actes de terrorisme; incitation à la discrimination, la haine et la violence raciale."(page 142). Il fait remarquer que la mise en cause des relations de la France avec les Etats dont les ressortissants financent la propagande et le terrorisme islamiste nuira aux ventes d'armes de ce pays et entraînera des milliers de licenciements (page 153). Il montre aux pages 158 à 162 les raisons qui empêchent les jeunes "beurs" de se sentir véritablement français, de se sentir européens, les empêchent aussi d'approfondir leurs éventuelles racines "arabes", et les poussent finalement vers une sous-culture intégriste. L'auteur prend ensuite vigoureusement parti pour une culture nationale sans complexes, seule capable d'enraciner cette jeunesse menacée de partir à la dérive.
Pour finir, deux erreurs à relever: en matière de droit islamique, l'auteur charge par trop le hanbalisme en lui imputant la responsabilité du jihad. On peut produire d'excellents jihads sur la base juridique du malékisme (voir la piraterie barbaresque...) ou du hanéfisme (voir le corps des janissaires...). Ensuite, historiquement, les ancêtres d'Al-Qaïda ne sont pas les Hashashin moyenâgeux. Pour savoir qui est à l'origine de ces pratiques, je conseille à tous la lecture des hadith de Bokhâri.
Au total, un bon petit bouquin.
M.X.Villan
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