Le titre de l'ouvrage semble indiquer un historique complet de l'alliance établie pendant la seconde guerre mondiale entre les USA et les forces réactionnaires (et potentiellement fanatiques) du monde musulman. Ce titre est un peu trop ambitieux. L'ouvrage ne recouvre en fait que l'aventure occidentale du jihad afghan contre les troupes soviétiques de 1979 à 1989, et ses suites et conséquences. L'auteur est pondéré et renseigné. Il ne s'est pas laissé emporter par la facilité qui aurait consisté pour un journaliste étasunien, à ne couvir que les actions de la CIA et d'autres organisations issues de pays anglophones. Dans cette vaste opération d'entraînement, d'armement et de financement que constitua le soutient de tous les ennemis de l'URSS apporté aux guérilleros islamistes, afghans et étrangers, il nous entretient du rôle de l'Egypte de Sadate (pages 41 à 59), de la Chine communiste (pages 80-90), de la Grande-Bretagne (pages 102-109), de la France (page 110). Il nous parle des camps d'entraînement montés pour les islamistes afghans par la CIA (pages 98 à 101), camps qui permettront la dissémination dans les milieux intégristes des techniques d'assassinat, de sabotage et d'infiltration mises au point pendant la guerre froide par les services secrets et les commandos occidentaux...
Il décrit l'aveuglement des têtes pensantes des exécutifs étasuniens de cette époque, obnubilées par leur guerre contre l'expansionnisme soviétique au point de ne rien peser des conséquences lointaines de leurs actes. Y compris quant au commerce de la drogue, l'opium constituant l'une des ressources principales des groupes de guérillas afghans.
Une fois achevé ce premier acte de la tragédie, J. Cooley lève le rideau sur le second: les conséquences directes du jihad afghan (un million de morts afghans, le pays ravagé et miné, les techniques de déstabilisation les plus pointues répandues parmi des groupes de fanatiques religieux, lesdits fanatiques rassemblés et unis pour la première fois, 500 000 drogués durs au Pakistan, 100 000 en Iran, une explosion du commerce de l'héroïne vers l'Europe et l'Amérique du Nord) et l'implantation progressive à travers le monde de groupes à vocation terroriste issus de ce même jihad. Les guerriers islamistes formés pour et par les combats d'Afghanistan propagèrent leur savoir-faire en Tchétchénie (pages 179-184), en Egypte (pages 190-198), en Algérie et au Maroc (pages 198-218), aux Philippines (chapitre 10), laissant derrière eux un sillon sanglant et la ruine des espoirs des pacifistes locaux. Le chapitre 7 est peut-être le plus angoissant: il est consacré à la production et aux voies d'exportation de l'opium et du haschich cultivé en Afghanistan ainsi qu'aux ravages que provoquent ces deux substances.
Bref un ouvrage passionnant, ... à déconseiller toutefois aux dépressifs. (M. X.Villan)
|